Copyright Opera Mundi (5/8)
Ou
Ce que je croyais alors…
5-Ballons, avion, fusée et autres aérostats…
…des engins cracheurs de jets
Comme tous les gamins de mon âge, je me suis amusé à gonfler des ballons de baudruche en soufflant par le petit appendice qui en faisait saillie, puis à admirer leur fuite désordonnée lorsque, du doigt un moment pincé, on relâchait cet appendice pour leur rendre la liberté jusqu'à ce que, ayant épuisé leur trop plein de souffle, ils retombent à terre à l'état de chiffe molle.
Et toujours, à la sempiternelle question "qu'est ce qui fait avancer le ballon?" la réponse qui venait immédiatement, aussi bien des petits que des grands, était: "l'air qui s'échappe du ballon prend appui sur l'air extérieur comme tu prends appui sur tes starting-blocks lorsque tu entames un petit cent mètres…"
Longtemps cette réponse m'apparut suffisante et je n'eus plus l'occasion de m'en préoccuper jusque vers la fin des années 50 – alors que nous étions entrés dans "l'ère post spoutnik" – et que des commentateurs de plus en plus nombreux à la télévision viennent expliquer que le jet de flammes, que l'on voyait s'échapper de la fusée qui emmenait le satellite vers son orbite, prenait appui sur l'air comme l'avait fait le ballon de mon enfance encore proche.
Mais ces commentateurs ne manquaient pas d'être contredits tout aussi doctement par d'autres faisant remarquer que, comme il n'y a pas d'air dans l'Espace, la fusée aurait dû s'arrêter d'elle-même aux limites supérieures de l'atmosphère terrestre…
D'une toute autre nature, et apparemment sans aucun lien possible, je m'étais posé une autre question sur ce qui faisait avancer, cette fois, les avions à hélice – omniprésents dans le ciel des années 50 avant que l'avion à réaction ne vienne les supplanter. Sur ce point, je m'en étais remis aux explications de notre instituteur qui, nous faisant remarquer la forme particulière adoptée pour l'hélice, tout portait à penser qu'elle venait se visser dans l'air afin de tirer l'avion, tout comme le tire-bouchon avançait au fur et à mesure qu'on faisait tourner sa vis dans le bouchon…
Bien sûr, j'étais alors trop jeune pour simplement imaginer que ces deux problèmes – l'avancée d'un ballon et celle d'une hélice – aient pu avoir un point commun possible à expliquer par une leçon de physique. Mais là encore, il me fallut attendre le résultat de mes études d'ingénieur pour comprendre ce qui faisait avancer: et le ballon, et l'avion – qu'il soit à hélice ou à réaction – et même la fusée porteuse de satellite…
La solution
Pour expliquer le mouvement des engins cracheurs de jet il te faut une nouvelle fois faire appel à la Dynamique que nous avions déjà visitée à l’occasion du mystère des locos doubles. Mais cette fois le problème semble plus ardu puisque tu ne peux mettre en évidence une quelconque force physique qui, appliquée à chaque engin, aurait pu le mettre en mouvement. Car ici nous sommes en présence, non pas d’une force, mais de ce qui s’appelle la quantité de mouvement.
De quoi s’agit-il ?
Le plus simple pour illustrer ce concept est de te livrer à une petite expérience proche de celle de "l'arroseur arrosé". Munis-toi d'un simple tuyau d'arrosage et raccorde-le à un robinet préalablement bien fermé. Abandonne par terre ce tuyau muni de sa pomme d'arrosage et ouvre le robinet: tu constateras que cette pomme se déplace alors dans le sens inverse du jet, sous la seule impulsion mesurée par le produit de la masse d’eau éjectée (par seconde) par la vitesse d’éjection de cette eau (en mètres par seconde). Ce produit, qui n’est PAS une force[1], mais qui a la propriété – tout comme la force qui faisait se mouvoir les locos – de mettre en mouvement l’engin auquel il est appliqué, ce produit définit la quantité de mouvement.
Note bien au passage que le jet d'eau échange sa quantité de mouvement avec celle du tuyau, qui a sa masse propre, multipliée par sa vitesse de "recul": c'est le principe de conservation de la quantité de mouvement:
Conservation de la
quantité de mouvement:
Celle propulsant
l'obus (masse m) égale celle
faisant reculer le canon (masse M)
Et c'est ce même principe qui
est en jeu pour la fusée propulsée dans l’espace par la seule impulsion de la
masse des ergols en combustion multipliée par la vitesse de leur éjection de la
tuyère, ainsi que pour ton ballon de baudruche propulsé par la quantité de
mouvement du jet d’air s’échappant de son appendice…
La quantité de mouvement (dm.Ve) des ergols brulés égale celle (m.V) de l'engin
Et pour l’avion?
Si tu connais le principe de
l’avion à réaction, la réponse saute aux yeux: c’est bien la masse de l’air,
chauffée dans la chambre de combustion du moteur multipliée par sa vitesse
d’éjection à l’arrière du moteur qui propulse l’avion vers l’avant. Et il en est
de même de l’avion à hélices, car c’est la masse d’air – non chauffée cette
fois – expulsée vers l’arrière par le mouvement de l’hélice qui propulse
l’avion ver l’avant. Tout avion se meut donc par réaction qu’il soit ou non à
hélices…
Schéma de
turbopropulseur:
A hélice ou à réaction, l'avion est propulsé par la quantité de mouvement de l'air expulsé
Une illustration de ce fait
te sera donnée par l’exemple d’un bimoteur à hélices dont un moteur, disons
celui de gauche, s’arrête de tourner: du fait de ce déséquilibre de poussée, l’avion
va virer à gauche, alors qu’il devrait virer à droite si les hélices tiraient
réellement l’avion…et c'est ce genre d'incident que relate Saint-Exupéry dans
son livre "Pilote de guerre" alors qu'il pilotait son bimoteur à
hélices durant la campagne de France de 1940.
Et tout le reste n'est que
littérature…
___________________________
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire