mercredi 24 mars 2021

10-Démocratie des Jobards

 

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LA DEMOCRATIE DES JOBARDS

 

Ils s'appellent Fesse-de-bouc, Am-stram-gram, P'tit-tueur voire Tic-tac. Pour une partie croissante de la population, ils deviennent la source unique d'information sur les affaires de la Nation comme sur celles du reste du Monde. Désabusés par la médiocrité des media institutionnels[1], des groupes toujours plus nombreux d'individus s'en remettent à ces réseaux numériques pour se faire leur propre vérité – ignorant au passage la réalité des faits – pour trancher dans les polémiques constamment mises sur le devant de scène par ces mêmes media[2].

 

Dans les deux premiers chapitres, on montrera comment les algorithmes numériques qui sont au cœur de ces réseaux opèrent en enfermant chaque groupe d'individus dans un véritable silo cognitif[3] trop confortable pour qu'il ait l'envie d'en sortir. Un troisième chapitre montrera comment l'incompatibilité des jugements prévalant entre ces silos engendre et amplifie les discours de haine. On verra ensuite comment les théories du complot trouvent un terreau particulièrement fertile sur ces réseaux pour créer une post-vérité de laquelle toute rationalité – qu'elle soit ou non de nature scientifique – est bannie. On verra également comment ce terreau est tout aussi fertile pour l'avancée d'idéologies mortifères comme celle de l'islamisme politique dont l'actualité encore récente nous a rappelé le danger permanent. Et c'est sur ce même terreau propice au développement de l'auto-conviction que se font élire les populistes[4] qui, de Trump à Erdogan en passant – entre autres – par Viktor Orban font tomber un à un les bastions de démocratie qui avaient fini par émerger sur une large partie du globe durant la seconde moitié du XXème siècle.

 

Enfin – posant la question chère à Lénine: Que faire? – on ébauchera quelques pistes pour contrer ce mouvement de fond: légiférer de façon à ce que les responsables en titre de ces réseaux a-sociaux - il est temps de renommer ainsi ces véritables destructeurs de société[5] - soient également et légalement tenus responsables du "contenu de leurs tuyaux"; également, combattre ces réseaux en tapant où cela peut faire mal: le portefeuille. Quel rôle peut jouer dans ce combat un système éducatif repensé, système qui a failli au cours de ces dernières décennies dans sa vocation première: la transmission des savoirs. Quel rôle enfin devraient jouer les vrais journalistes dans la chasse aux contre-vérités.

 

1.   De la démocratie des crédules…

 

Les philosophes du Siècle des Lumières se seraient ils trompés?

Ce siècle nous avait promis  que les progrès de la Connaissance nous débarrasseraient peu à peu des croyances et superstitions, causes principales des malheurs rencontrés par l'Humanité au cours de son Histoire[6]

C'était sans compter avec l'émergence, au tournant de notre siècle, d'un véritable marché de l'information du fait de la montée en puissance de l'Internet et de sa conséquence: l'apparition d'une démocratie des crédules, sujet de la publication éponyme du sociologue Gérald Bronner[7]. Ce marché possède deux caractéristiques originales qui en justifient son appellation:

-        d'une part, la massification exponentielle de l'information produite au cours du temps par l'humanité: la seule quantité d'information[8]  produite durant les premières années 2000 était déjà supérieure à la quantité totale d'information produite depuis l'invention de Gutenberg, et celle produite en 2010 était égale à 8 fois cette même quantité[9]

-        d'autre part, la facilité croissante pour tout individu, d'y proposer une idée, un jugement – en d'autres termes, une information – chose qui était jusque là beaucoup plus difficile pour qui n'avait pas accès à un éditeur, une station de radio, un réseau télévisuel

Comme tout autre marché, celui de l'information, véritable marché cognitif [10], suscite la concurrence entre les pourvoyeurs de cette info amenés à se partager l'accès aux consommateurs potentiels. Or les algorithmes d'accès à l'info sur Internet – en particulier ceux mis en œuvre par le moteur de recherche Google – vont favoriser la constitution d'un oligopole des croyants au détriment de la communauté de ceux qui savent, de la communauté de la Connaissance.

Ainsi, du "11 septembre[11]", contemporain de l'émergence de ce marché: Gérald Bronner montre que les 30 premiers sites proposés par Google[12] sur cette question sont à plus de 90% favorables à la croyance aux multiples complots construits sur cet événement. Ceci du fait de deux mécanismes:

-        "l'épaisseur argumentative" que leur confère cet algorithme: on y recense ainsi une centaine d'arguments justifiant ces complots, chacun pris individuellement se révélant évidemment faux. Mais qui prendra le temps, au cours d'un débat sur le sujet, de démonter un à un ces arguments avancés par un croyant motivé à convaincre un éventuel indécis?

-        cet algorithme dit du Page Rank[13], basé sur la popularité du site et non sur la véracité de son contenu, favorise la propagation d'une croyance que les media professionnels, qui devraient faire le nécessaire fact checking avant toute rediffusion du contenu, s’abstiennent trop fréquemment de faire

 

Egalement, l'essaimage progressif de ces complotismes vers des classes de citoyens de plus en plus "ordinaires", alors qu'ils étaient autrefois cantonnés aux marges des radicalités politiques – d'extrême droite comme d'extrême gauche – met en danger la démocratie traditionnelle "représentative" pour laquelle la revendication légitime du "Droit au doute"[14]est peu à peu remplacée par une "démocratie participative de la suspicion et de la méfiance"[15]. Cette dernière favorise, en particulier, les croyances technophobiques dont les conséquences sur la Société  dans son ensemble ne sauraient être négligeables.

Ainsi de la phobie anti-vaccins qui finira par mettre en danger l'existence même de cette Société en réduisant de façon drastique la couverture vaccinale contre les maladies émergentes (cf. ci-dessous §4). Et cette tendance est d'autant plus prégnante qu'elle se développe dans des pays à relativement faible fracture numérique, c'est à dire là ou l'Internet est un outil du quotidien: les USA deviennent ainsi le cœur d'une "détestation des occidentaux pour leur propre monde".[16]

 

2.   …à celle des jobards

 

Constat: l'absence du clic 'J'aime pas' sur Facebook favorise le biais de confirmation, c'est-à-dire la tendance naturelle chez tout humain à "fréquenter/rechercher" un univers cognitif confortant ses convictions, ses croyances. Et compte tenu de la massification de l'info vue plus haut, la probabilité est très grande de pouvoir trouver cet univers sur Internet, quelle que soit la conviction ou la croyance exprimée.

Ceci n'est qu'un exemple de l'effet multiplicateur des réseaux a-sociaux apparus dès 2004 avec Facebook, suivi de YouTube (2005), de Twitter (2006), Instagram (2010), SnapChat (2011), etc.…

 

Pour démonter le mécanisme à l'œuvre au sein de ces réseaux a-sociaux, laissons la parole à un ancien ministre d'un précédent gouvernement italien – celui de Matteo Renzi, et qui raconte dans son livre, "Les ingénieurs du chaos[17]", la résistible ascension du "Mouvement 5 étoiles", devenu au fil des élections successives le plus important parti politique de cette nation.

Au départ, simple canular de l'amuseur public Pepe Grillo[18] prompt à railler les turpitudes – bien réelles – de Silvio Berlusconi, il avait rassemblé 2 millions de signataires sur sa pétition demandant le renvoi des députés berlusconiens condamnés par la justice. Flairant la bonne affaire politique, des spécialistes des algorithmes de traitement des données[19], des spin- doctors, experts du big data, ont incité notre amuseur à créer son blog – qui n'aura de son parrain que le nom, mais sera écrit par ces spécialistes.

La méthode pour cette écriture s'inspire directement de celle de Facebook dont le business model repose sur la fidélisation de ses usagers afin de maximiser les profits issus de la vente de pub à leur destination.

Au plan pratique, il s'agit d'un processus récurrent consistant à chaque étape de publication "d'informations" sur le blog de recenser les 20 meilleures en termes de 'like' et de les réémettre à l'étape suivante. Ainsi partant d'un "ressenti" commun à propos d'un message, l'indignation ou la colère – la chose au monde la mieux partagée bien avant le bon sens[20] – on agrège peu à peu un maximum de suiveurs partageant ce ressenti.

Dans un deuxième temps, cet algorithme[21] va effectuer la segmentation de tous ces abonnés en groupes d'intérêt commun. Car même si la colère est le réservoir insondable des récriminations communes, ces récriminations sont multiformes. Et l'analyse algorithmique des données renvoyées "par le terrain" permet de rassembler les individus en autant de sous groupes correspondant chacun à un type de grief bien distinct de celui d'à côté. En retour, les messages qui tendent à conforter chaque 'bulle' d'individus dans ses convictions seront personnalisés sans crainte de se contredire puisqu'ils ne sont pas adressés aux mêmes 'bulles'[22].

Par exemple, il sera facile de rassembler sous la même bannière-réseau du "raz le bol": les animistes en leur diffusant les messages pro-animal circulant sur le réseau et les chasseurs, avec pour eux les messages pro-chasse, sans craindre de contradiction, la bulle des chasseurs se retrouvant hermétiquement séparée de la bulle des animistes… et c'est la coagulation au sommet de tous ces "raz le bol" qui a permis aux "Cinq étoiles" de recueillir la majorité des suffrages aux élections générales italiennes de 2018.

Ainsi chaque adepte du réseau se verra peu à peu enfermé dans un silo cognitif rassemblant les individus prompts à partager "la mémé vérité", quelque soit le contenu de cette "vérité", laquelle se retrouve "authentifiée" en proportion directe du nombre de ceux qui la partagent[23]

 

3.   Des sources de polarisations violentes

 

Chaque individu ainsi enfermé sur un sujet donné dans un silo particulier – appelons le "silo A" – devient peu à peu persuadé qu'il détient la vérité sur le sujet et ce d'autant plus que le silo A contient d'individus. Bien noter ici que chaque individu n'aura pas besoin d'être en relation directe avec tous les autres membres de son silo pour être convaincu de la vérité qu'il croit détenir. Dès que la petite communauté constituant l'environnement social de cet individu – limitée à environ 150 relations sociales que tout un chacun est à même d'entretenir[24] – dès que cette communauté donc, est ralliée dans son ensemble à la cause de cette vérité, cet individu est coupé de toute possibilité de recevoir un message contradictoire[25]: il est définitivement enfermé dans la "bulle" rassurante de son auto-conviction[26]

Mais, sur ce même sujet tout concourt pour que l'algorithme du réseau contribue à la constitution d'un silo B composé d'individus convaincus d'une contre vérité sur le sujet…

La solution d'un tel problème, aussi vieux que la démocratie elle-même, consisterait en l'ouverture d'un débat durant lequel les arguments en faveur de l'une ou l'autre vérité seront échangés de façon à ce qu'il en ressorte un jugement commun, peut être une 3ème vérité acceptable par chacune des parties – voire un compromis.

Or l'algorithme des réseaux a-sociaux travaille à l'encontre de ce processus puisque le silo A continuera de se voir la cible de toute information renforçant la crédibilité de la "vérité-façon-silo-A" en même temps que sa contre partie se produira pour le silo B. En conséquence de quoi les deux vérités deviendront rapidement irréconciliables et, à l'instar de deux religions voulant conquérir le cœur et les âmes d'une population, chaque silo n'aura plus d'autre ambition que de supprimer les tenants de la religion opposée, ces mécréants, à l'encontre desquels aucun discours de haine, d'appels à la violence, voire de menaces de mort ne saurait être excessif[27].

On voit par là que les réseaux a-sociaux, loin de magnifier le raisonnement rationnel comme on pensait benoitement qu'Internet pourrait y contribuer raniment les instincts les plus primitifs de l'espèce humaine, en particulier ces pulsions de mort que Freud avait mises en évidence en son temps.[28]

 

4.   La porte ouverte aux complotismes

 

De toutes les théories du complot qui fleurissent sur la toile, une des plus fameuses[29]QAnon ou le Pizzagate[30] – a fait la "une" de l'actualité en se montrant à la manœuvre derrière l'invasion du Capitole US le 6 janvier dernier. Pour le résumer en une phrase, ce complotisme a suffit à embrumer la raison de plusieurs millions d'américains persuadés à présent que le parti Démocrate n'est que la couverture d'un deep state gouvernant en sous main les USA, et que ses leaders – dont Hillary Clinton – sont de dangereux pédophiles qui maintiennent des milliers d'enfants en  esclavage sexuel dans des lieux aussi improbables qu'une pizzeria de Washington, en l'occurrence la pizzeria Comet Ping Pong, censée être le QG de John Podesta, Directeur de campagne d'Hillary Clinton en 2016[31]

Ce phénomène a pour origine les messages d'un mystérieux Q – Anon n'étant que l'abréviation de Anonymous – hébergés sur des plateformes développées par un certain Jim Watkins, connues pour être l'espace de communication des suprémacistes blancs[32]. Relayés principalement sur Facebook et YouTube, ces messages reprennent à leur compte des rumeurs déjà anciennes telles que le faux alunissage des astronautes de Apollo 11, lequel n'aurait été qu'un montage vidéo tourné par Stanley Kubrick, ou que c'est Dick Cheney en personne qui aurait dirigé les avions contre les tours du World Trade Center depuis son PC localisé en sous sol de ces tours...en d'autres termes, les infos véhiculées par les media officiels seraient des mensonges qui n'ont pour finalité que la consolidation du pouvoir des élites en place[33].

Car c'est d'abord la détestation des élites que cette mouvance professe, sous la forme d'un combat des "petits contre les gros" et son corollaire autoproclamé "Nous sommes le Peuple". Bien entendu, les adeptes de QAnon refusent d'admettre la victoire de Joe Biden. Beaucoup d'entre eux "born again" opèrent dans la mouvance évangéliste[34] et font leur le discours millénariste qui prédisait la victoire aux élections de 2020 des forces du bien – incarnées de façon quasi religieuse par Donald Trump –  afin de sauver les USA, et l'Humanité entière, des "pédo-sataniques"[35].

En France, le succès récent de QAnon s'explique par l'engagement contre la pédophilie, permettant d'atteindre un large public compte tenu de l’émotion qu’une telle cause suscite. L'efficacité d'un tel mécanisme se mesure par la présence d’individus aux profils QAnon dans les dernières manifestations des Jaunes-à-gilet et des anti-masques, tenant un discours axé sur la pédophilie des élites[36]

Et comble de cette mouvance QAnon "à la française", elle n’hésite pas à accuser Le Canard enchainé de cautionner, entre autres bobards[37], une vidéo YouTube – émanant d’un partisan canadien de Trump – se targuant de révéler l’existence d’un "abattoir d’enfants sous le Capitole"[38]!

Les "antivacc": COVID, vaccins et techno-peurs:

Peu de temps après l'annonce en mars 2020 de la mise en application du 1er "confinement COVID", l'Institut Pasteur a été accusé, sur une vidéo YouTube d'être responsable de la production du virus et de sa dissémination mondiale. A l'appui de cette assertion, le youtubeur montrait ce qu'il présentait comme un "brevet d'inventeur de virus" émanant de l'Institut. Abondamment relayée par l'écosystème des Jaunes-à-gilet, cette vidéo fut visualisée 3,3 millions de fois en 24 heures[39]…peu importe que le brevet en question se révélât avoir trait à une stratégie de vaccination visant à enrayer la propagation, en 2002, du virus SARS Cov1, le mal était fait et les personnels de ce prestigieux Institut se sont retrouvés la cible d'un véritable lynchage médiatique sur les réseaux a-sociaux assorti de menaces de mort[40].

Dans son dernier livre, Gerald Bronner[41] recense d'autres théories complotistes véhiculées par ces réseaux au sujet de l'actuelle pandémie et en montre les effets dévastateurs sur la Société dans son ensemble. Ainsi de l'assertion selon laquelle le déploiement de la 5G de télécommunication serait à l'origine de l'apparition du coronavirus et de sa fulgurante dissémination…semblable lubie prêterait à sourire si elle ne s'était pas traduite par la destruction de quelques 70 antennes relais dans des pays aussi divers que Grande-Bretagne, Belgique, Nelle Zélande ou Pays-Bas[42]. A noter que ces destructions se sont accompagnées de 24 agressions d'employés occupés au déploiement de cette technologie…

De même, une étude de YouGov, filiale US d'une entreprise britannique de sondage d'opinions, a montré que près de 25% des américains sont persuadés que Bill Gates avait entrepris d'insérer une puce électronique dans les vaccins anti-COVID lui permettant de contrôler à sa guise le cerveau des futurs vaccinés[43].

Mais pourquoi Bill Gates? Ce dernier a eu le tort en 2015, et suite à l'épidémie avortée en 2013 du SRAS[44], de dénoncer l'impréparation des décideurs politiques face aux nouvelles épidémies à venir et provoquées par des virus respiratoires émergents[45]. Pour les complotistes, pas de doute: Bill Gates pouvait prévoir l'arrivée du COVID car il en était directement ou indirectement l'initiateur en vue de développer ce "vaccin à puce" lui permettant d'asseoir un peu plus sa position omnisciente…

En France, cette conspiration du "vaccin 5G" a bénéficié du récit concomitant du réalisateur de la vidéo Hold Up[46] prétendant que les tests PCR n'avaient pour but que l'introduction dans le corps humain de "nanoparticules" destinées à assurer le relai vers la 5G une fois ces individus vaccinés…ce "Great Reset", tel que désigné dans cette vidéo, constitue la synthèse de toutes les fantasmagories associant les mesures anti-COVID[47] à des tentatives de prise de contrôle de tout individu qui accepterait de s'y soumettre.

On voit par là que les adeptes du complotisme – sous sa pire forme, celle du conspirationisme – usent de la fameuse formule "cherche à qui le crime profite" chère aux Dupond & Dupont[48]!

Cette dernière lubie vient ainsi s'ajouter au "millefeuille argumentaire"[49] développé par les ‘antivacc’ depuis une trentaine d'années déjà. A l'origine de leur jobardise, on ne dénoncera jamais assez la désinformation par le chercheur britannique Andrew Wakefield qui, dans un "papier" trop hâtivement publié en 1998 dans TheLancet prétendait que la vaccination ROR – pour Rougeole, Oreillons, Rubéole – était cause d'autisme chez les jeunes vaccinés[50]. Il aura fallu pas moins de 6 années pour que la communauté scientifique mette en évidence le charlatanisme intéressé de Wakefield et obtienne le retrait de sa publication[51]. Mais pour les complotistes, aucun doute: il a été réduit au silence par les élites scientifiques en place qui craignaient pour leur position dominante…

A en juger par la proportion actuelle d'‘antivacc’ dans la population[52], on voit que les thèses conspirationistes continuent de perdurer longtemps après avoir été dénoncées, et que les démentis officiels circulent d'autant moins sur les réseaux a-sociaux que l'être humain est le sujet d'un biais de négativité; ce biais lui fait toujours préférer, entre deux informations contradictoires, celle qui est la plus inquiétante, lointain reliquat de cet instinct de survie de l'Espèce qui lui  permet de se mettre en alerte face à un danger potentiel[53]. Cette résurgence de la peur ancestrale du danger n'est qu'une composante des émotions "câblées" dans notre cerveau avec le sexe[54], la colère et l'indignation[55].

 

5.   La facilitation de l'agenda islamiste

 

Que seraient Al Qaeda et Daech sans les Instagram et les Twitt

postés pour leur soutien?

(Gilles Kepel[56])

C'est également Gilles Kepel qui a parfaitement analysé l'articulation entre les réseaux physiques de propagation de l'islamisme (mosquées, salles de sport, commerces hallal… acquis à cette mouvance) et les réseaux numériques permettant la diffusion universelle et instantanée de son message prosélyte[57]. Dans cet "islamisme d'atmosphère" qui n'a plus besoin de structures sous jacentes comme Al-Qaeda ou Daech, le passage à l'acte d'un islamo-fasciste[58] n'attend plus que le lynchage médiatique, soigneusement orchestré sur les réseaux a-sociaux, à l'encontre de toute personne qui  tenterait de s'opposer à la diffusion de ce message. Ainsi de l'affaire Samuel Paty où l'on a pu assister sur ces réseaux à la cabale initialisée par une famille activiste contestant violemment le contenu d'un cours d'histoire et relayée rapidement sous la forme d'un discours haineux frisant la limite de ce que la Loi tolère en matière de liberté d'expression. Ce discours a fini par atteindre le cerveau, convenablement "lavé" sur ces mêmes réseaux, d'un individu à qui l'on a fait croire qu'il avait une mission à accomplir dans le combat apocalyptique – "ce sont eux ou nous"[59] – préalable à l'islamisation de la Société[60].

Dans ce combat de tous les jours, les réseaux a-sociaux "dont le salafisme maitrise tous les codes" sont non seulement un vecteur de diffusion d'une idéologie, ils sont également un outil de recrutement en permettant à des individus d'entrer physiquement en contact en complément des réseaux physiques identifiés plus haut[61].

Bien entendu, le croisement de l'idéologie islamiste avec les complotismes du COVID ne pouvait que donner naissance à d'authentiques chimères potentiellement dangereuses pour la Société. Ainsi de la diffusion sur YouTube par un imam particulièrement suivi[62] d'un tutoriel censé rassurer le musulman confronté à un virus "vicieux", en lui rappelant que seul le Créateur a la faculté de guérir celui qui est infecté et que le masque ne l'empêchera pas d'être contaminé si Allah en a décidé ainsi[63]

De même les réseaux a-sociaux se sont faits porteurs d'une "médecine prophétique" qui fait grand cas de la chloroquine médicament qui serait efficace car incorporant de la graine de nigelle[64] laquelle tient une place importante dans cette médecine. Ainsi la polémique initialisée (involontairement?) par Raoult-gourou à propos d'un traitement à l'efficacité restant à démontrer favorise t'elle la propagation sur les réseaux a-sociaux du message obscurantiste, ce qui lui vaut au passage d'être qualifié de "héros" dans certains milieux islamistes ou par des militants de l'anti-islamophobie. Juste retour de bâton, le même Gourou-Raoult se voit à contrario accusé de sionisme sur des sites antisémites, voire entretenant des liens douteux avec Israël[65]! – tant il est vrai que ces réseaux sont aptes à diffuser des discours cherchant simultanément à démontrer à peu près tout et son contraire!

 

6.   La résistible ascension des populistes

 

Comment passe t'on de la démocratie libérale à la démocratie dite illibérale, adoptée par un nombre croissant de pays après la victoire sur le soviétisme de 1989? Si les deux premières décennies du XXIème siècle peuvent être prises pour référence cela se fait progressivement, par petits pas, une politique de personnalités populistes qui ont su surfer sur les trois composantes des réseaux a-sociaux: horizontalité, immédiateté et effet de meute[66].

Observons le parcours en tout point semblable de personnalités aussi diverses que Erdogan, Viktor Orban, Trump… voire les 'faiseurs' du Brexit. Ce parcours commence par la création d'un Mouvement, et non d'un parti, comme on l'a vu plus haut pour le "Cinq étoiles" italien. Pour emporter l'adhésion d'un maximum d'individus, ce Mouvement va tabler sur l'humiliation ressentie par des foules nombreuses d’individus n'ayant pas les compétences requises pour trouver leur place dans une économie globalisée, qui se sentent menacés par la mondialisation des échanges et l'immigration sous-jacente et qui s'estiment méprisés par les élites cosmopolites[67].

Face à une population majoritairement rurale, habitant de petites villes et luttant souvent contre la précarité, les animateurs du Mouvement auront beau jeu de leur dire: "ce n'est pas votre faute, c'est celle des élites qui prétendent gouverner à votre place". S'ensuit la prescription miracle: "nettoyer les écuries d'Augias de la politique politicienne" ou "drainer le marais de Washington" selon la promesse de Trump[68].

Voila pour l'horizontalité qui remplace la construction verticale, et beaucoup plus difficile, d'un vrai parti politique[69].

Le second précepte mis en œuvre par les populistes peut se résumer par "détraquer la raison, affoler le langage"[70]. Il s'agit de brailler avec aplomb n'importe quelle contre vérité pourvu qu'elle flatte la frustration d'une population dans ce qu'elle a de plus cher: son identité. Ainsi de l'assertion d'Erdogan selon laquelle Christophe Colomb aurait vu une mosquée construite au12ème siècle au large des côtes de Cuba prouvant ainsi que les musulmans avaient découvert l'Amérique trois siècles avant lui[71]!

Mensonge après mensonge – les fameuses post-vérités – on arrive à déstabiliser peu à peu les tenants de la rationalité. Car enfin, qui voudrait perdre du temps à essayer de convaincre de son erreur celui qui croit en la Terre plate ou celui qui réfute la théorie scientifique de l'Evolution de Darwin au nom des dogmes que lui assène son Eglise?[72]

Cette stratégie qui trouve sa lointaine origine dans la French Theory des Foucault, Derrida et consorts laquelle, "rejetant toute notion de savoir objectif et de vérité universelle" a imprégné peu à peu les campus universitaires américains avant de nous revenir à la figure via les réseaux a-sociaux[73]…déclinée au plan pratique par des stratèges politiques comme Steve Banon – et à qui Trump doit, quoi qu'il en dise, sa victoire de 2016 – cette stratégie professe "qu'il n'y a pas de faits il n'y a que des opinions"[74].

Troisième précepte à suivre: dissiper la honte que pourrait inspirer cette manipulation de la vérité. Les politiciens "traditionnels" craignent comme la peste d'être pris en flagrant délit de mensonge[75]. Le populiste, lui, n'a pas cette pudeur de vierge et ment avec aplomb et impudence; il désarme ses contradicteurs surpris sur un terrain qui leur est inconnu[76].

C'est au niveau de ce précepte qu'interviennent les troll qui seront chargés de saturer l'espace interactif des réseaux a-sociaux. Parmi les nations ayant recours à ce stratagème, Turquie et Russie ont institutionnalisé ce recours aux troll chargés de faire "mousser" au sein du réseau les opinions de leur commanditaire dirigées contre les personnalités à abattre, sans exclure les blagues de potaches destinées à mettre les rieurs de leur côté[77]. Le travail d'un troll "n'est pas de débattre un sujet ou réfuter un argument mais simplement d'affoler l'espace médiatique"[78]dans le but ultime de "miner la crédibilité des publics occidentaux envers leurs institutions"[79]. Et pour le lecteur énervé qui voudrait encore nier semblable stratégie dans la Russie de Poutine, je renvoie à l'encadré où un spécialiste français de l'espionnage démontre que le maitre actuel au Kremlin, formaté par l'ex-KGB pour espionner, poursuit la même logique avec le FSB à sa main[80]

 

La KGB Académie

(D'après Bernard Lecomte, Le cours de l'histoire, France Culture, 30 septembre 2020)

 

La place Loubianka est une des plus fameuses places du Kremlin, ce quartier de Moscou où se concentre le pouvoir politique russe. C'est en effet là que se trouve le siège du FSB, centre névralgique des services d'espionnage/contre espionnage de Russie…

Un peu d'histoire

Fondée en 1917 sur instructions de Lénine sous l'appellation de Tcheka, cette police politique dédiée à la répression de l'opposition à l'intérieur mais aussi au renseignement et à l'influence à l'extérieur de la toute nouvelle Russie bolchévique, sera ensuite connue sous les noms de Guépéou, puis de NKVD avant de devenir, après la mort de Staline, le KGB indissociable de l'activisme soviétique durant le guerre froide. L'équivalent d'un "grand ministère" doté d'une administration nombreuse et bien payée, il professionnalisera l'art de la désinformation, traduction littérale du russe desinformatsia. Egalement, il développera une remarquable capacité d'infiltration des services étrangers, recourant, à l'occasion, à des opérations de chantage, à base de compromission dans des affaires d'argent, voire de sexe(*), pour lesquelles il recrutera des "pigistes" occasionnels réputés pour leur professionnalisme.

C'est dans ce tout premier rôle de "maitre chanteur" qu'un jeune Vladimir Poutine exercera d'abord à Leningrad avant d'être posté à Berlin…

Du KGB au FSB

Conduit pour "sauver l'URSS", le putsch avorté de 1991 contre Gorbatchev conduira Boris Ieltsine à dissoudre le KGB qui en était l'initiateur. Mais, ne pouvant se passer d'une police politique, et se devant de réemployer son administration dans un contexte social tendu, il le fera renaitre de ses cendres sous le sigle FSB dont il confiera, en 1999, la Direction à … Vladimir Poutine!

On connaît la suite. En particulier la mise en pratique à l'égard d'opposants politiques de son expertise en matière de poisons développée par les "chimistes efficaces" du "laboratoire des poisons" de la Tcheka

Egalement, l'expérience de désinformation acquise depuis l'époque de la Guépéou sera mise à profit et développée dans le nouveau contexte de l'information numérique par une Internet Research Agency créée en 2013 à St Petersburg.

Dans cette véritable usine à troll, le travail quotidien consiste, sur une liste de thèmes d'intervention fonction de l'actualité du pays cible (attentat, épidémie, élections…) à diffuser sur les réseaux a-sociaux de fausses informations dirigées vers des communautés identifiées sur la base de leur vulnérabilité potentielle (proximité d'industries polluantes, pénurie de biens essentiels, instabilité sociale…). Cette agence sera officiellement inculpée par le Department Of Justice américain pour avoir interféré dans les opérations des élections US de 2016(**).

 

Pour Poutine, pas de doute: Espion d'un jour, espion toujours!

 

(*) on se souvient de De Gaulle interpellant en 1958 un haut fonctionnaire fautif revenu en urgence à Paris: "Alors [M.l'Ambassadeur], on couche?"

(**) WikipédiA, Internet Research Agency, 2020 

 

Voila pour l'immédiateté et l'effet de meute.

Enfin, il faut détourner l'attention du public des véritables problèmes de la nation au moyen d'une mise en scène 'téléréalité' de faits par ailleurs insignifiants. Ainsi du 1er ministre polonais se faisant filmer en train d'étudier un livre sur les chats au moment où le Parlement discute une loi pouvant assurer la nomination par le pouvoir exécutif des juges à la Cour Suprême de Varsovie[81]. A l'inverse il peut s'agir de fait potentiellement graves mais bien orchestrés par le pouvoir en place, telle la tentative de coup d'état en Turquie[82] de 2016.

Le populisme dans la sphère publique

A partir du moment où les opinions peuvent remplacer les faits, le populisme n'a plus à se cantonner à la sphère politique, il peut s'épanouir dans tous les domaines de la vie civile. Ainsi de la vérité des sciences qui peut être mise en doute par quiconque s'affranchira de l'effort réclamé par la méthode scientifique et en contestera la légitimité au nom de l'opinion qu'il peut avoir sur des faits dont seule la Science pourrait établir la véracité: militance rime souvent avec incompétence[83]…et tous ceux que l’universalité de la Science heurte dans leur réflexe grégaire, s’agrègent ainsi au sein d’un véritable tribalisme anti-scientifique qui ne reconnaitra comme vérité que celle qu’ils professent[84].

C'est, hélas, souvent avec la complicité plus ou moins assumée de personnalités scientifiques à l'égo souffreteux que ces déconstructions des résultats de la Science sont perpétrées[85]. Ainsi comme vu plus haut de Raoult-gourou à qui l'on doit les débuts remarqués d'un populisme médical, en assurant, envers et contre toutes les expérimentations effectuées, l'efficience de l'hydroxycloroquine pour le traitement du COVID[86]

 

7.   Que faire?


L'âge moyen de 7 ans est généralement reconnu comme l'âge auquel l'enfant cesse de croire au Père Noël, c'est-à-dire qu'il est apte à développer une méthode de pensée lui permettant de mettre en doute le complot éternel fomenté envers lui par les adultes[87]…une fois arrivés à l'âge adulte, ne serions nous pas capable d'une méthode de pensée semblable nous permettant de déjouer les multiples pièges cognitifs tendus par les réseaux a-sociaux?

Ne pas tomber dans la jobardise:

L'usage répété des réseaux a-sociaux devient vite une addiction. Comme vu plus haut, cette addiction peut prendre la forme d'une chute dans la "spirale conspirationiste"[88]. Le meilleur moyen de s'en prémunir, c'est d'utiliser ces réseaux le moins souvent possible, tant il est vrai que l'on peut très bien vivre sans eux[89]

Surtout, il convient de remettre en route la machine à former le jugement, rôle primordial d'une Education qu'il convient de repenser selon ses deux composantes: l'Education familiale qui n'a que trop démissionné de ses responsabilités[90] et l'Enseignement public[91] qu'il convient de recentrer sur sa mission principale: la transmission des savoirs.

Constat: l'Enseignement public a largement failli dans cette transmission des savoirs.

Comment expliquer autrement que nombre de nos contemporains aient perdu le sain réflexe de rigoler en écoutant le discours d'un croyant de la Terre plate[92]? L'Enseignement public doit donc être repensé pour que chaque élève[93] acquière une pensée méthodique lui permettant de reconnaître comme critère essentiel de la vérité celui de son universalité. Et la méthode scientifique est le plus court chemin pour y parvenir, tant il est vrai que la science est un dispositif collectif de connaissance qui en assure l’universalité des résultats[94].

Cette méthode demande un effort intellectuel à l'opposé d’un populisme cognitif qui prône  l'argument simplissime "du bon sens" – comme voudraient nous faire croire le tribalisme anti-science[95] évoqué plus haut – tant il est vrai que la vérité scientifique est souvent contre intuitive: la Terre tourne autour du soleil alors que nos sens nous portent à croire le contraire[96]. Car, si dans la démarche scientifique le doute est légitime, ce doute impose aussi un devoir qui est de se plier à sa méthode de levée du doute, laquelle a fait la preuve au cours des siècles de sa fabuleuse fécondité[97].

Encore faudrait il que le financement de la recherche scientifique soit rétabli au niveau qui permettrait aux "meilleurs cerveaux de se détourner de la Finance ou de la Politique"[98].

Mais cette méthode impose en retour de se plier à un langage commun qui doit être lui aussi rétabli, par l'Enseignement public, dans son exigence: que les mots par lesquels on désigne les choses aient la même signification pour tous. A l'inverse des jargons déversés dans les réseaux a-sociaux, la langue française doit retrouver ses qualités de "clarté et précision" un préalable pour retrouver "la hiérarchie de la réflexion, de la pensée et des valeurs"[99]. En d'autres termes, et face à une mécanique des réseaux a-sociaux qui accorde la même importance à la parole d'un prix Nobel et à celle d'un youtubeur quelconque[100] il convient de rétablir la légitimité de la parole publique.

Contrer le pouvoir des réseaux a-sociaux :

Constat : un réseau qui compte à présent plus de deux milliards de comptes personnels peut mettre en échec un état démocratique en pesant sur le vote de la loi que cet Etat s’efforce d’instaurer pour la défense des intérêts de ses concitoyens[101]. Plus que tout autre argument, cet exemple doit convaincre les démocraties de légiférer afin de limiter l’omnipuissance atteinte par les réseaux a-sociaux et contrer leur mainmise sur le talon d’Achille de ces démocraties : leur opinion publique.

Non que le but ultime soit la suppression de ces réseaux : sauf à interdire la diffusion totale d’Internet[102], il y aura toujours un entrepreneur apte à développer un business model assurant la viabilité d’un réseau alternatif à celui qui vient d’être interdit[103].

Il s’agit tout d’abord de supprimer l’anonymat des comptes, lequel assure la quasi impunité de tout individu proférant des discours incitant à la violence, à l’encontre de la nécessaire réglementation de la liberté d’expression. Et ne pas croire ceux qui prétendent que, si l’on porte plainte contre un tel débordement, le réseau incriminé a tous les moyens d’identifier les coupables via leur adresse IP numérique[104] : la jurisprudence regorge d’affaires pour lesquelles la mauvaise volonté des réseaux a-sociaux – et tout particulièrement de Twitter[105] – à poursuivre leurs auteurs, a assuré à ces derniers une impunité de fait[106].

Plus important encore, il s’agit de légiférer pour que les dirigeants des réseaux a-sociaux soit reconnus responsables du contenu de ce qui passe "par leurs tuyaux[107]". En pratique, il s’agit rien moins que de remettre en cause la loi fédérale américaine qui protège ces dirigeants contre toute poursuite motivée par la circulation d’une information fausse ou illégale sur leurs plateformes[108]. Cette proposition, déjà à l’étude par la nouvelle administration US, rejoint les propositions législatives de l’UE qui, une fois adoptées, obligeraient ces plateformes à rendre plus transparents leurs algorithmes[109] ainsi qu’à les rendre responsables devant les juridictions élues des Etats membres de l’Union, sauf à payer des amendes pouvant atteindre 6% de leurs revenus annuels.

Au  plus haut niveau de l’Union, sa Présidente a déclaré vouloir travailler avec le nouveau Président US afin d’écrire un manuel de pratiques numériques communes permettant de maitriser la "puissance débridée" détenue par les géants de l’Internet[110].

Enrôler les media traditionnels :

Ne pas sous-estimer le rôle que les vrais journalistes peuvent encore tenir dans ce combat. Ils devraient s’engager à contrer en routine la désinformation, sur tout sujet de leur compétence respective, diffusée par les réseaux a-sociaux. La publication régulière sur ces media des contre-vérités ainsi débusquées devrait être encouragée[111].

 

Et en guise de conclusion:

 

Question au lecteur[112]. Quel est le point commun de ces trois événements: Le Pen arrivé second à notre élection présidentielle de 2002, le vote en faveur du Brexit de 2016 et les plus de 70 millions de votes Trump en 2020?

Réponse: aucun de ces trois votes, à caractère populiste affirmé[113] n'avait été prédit par les instituts de sondage…

L'explication qui vient tout de suite à l'esprit tourne autour de l'argument "l'échantillonnage statistique retenu par les dits instituts n'était pas représentatif de la population concernée"[114]. Peut être.

Mais pourquoi ces mêmes instituts qui savent prédire avec une stupéfiante exactitude le succès d'une marque de lessive ou le top 50 des meilleurs "tubes" de l'année prochaine échouent ils à prévoir le score des populistes?

Hypothèse: pour une portion significative de l'électorat, le vote populiste est intrinsèquement  honteux; en d'autres termes, nombre d'individus faisant partie de cette portion électorale n'osent pas avouer leur vote futur, vote qu'ils effectueront une fois retranchés dans l'anonymat de l'isoloir…

Et si cette hypothèse est exacte, on peut en tirer deux enseignements pour l'avenir: les populistes pourront continuer d'engranger des scores sur les réseaux a-sociaux sans risquer d'être inquiétés, ni par les media traditionnels, ni par les prévisions des sondeurs de tous bords d'une part; mais il est d’autre part rassurant de penser que le sur-moi de l'homo electoralis finira, peut être, par inciter ce dernier à voter de façon plus rationnelle les fois prochaines…

 

Faute de quoi, les populistes arrivés au pouvoir grâce aux réseaux a-sociaux risquent fort de nous faire remonter l'échelle de Darwin, à l'image de ce zombie à cornes qui n'a que trop fait la une de l'actualité durant l'assaut mené contre le Capitole…

 

Et tout le reste n'est que littérature.

 

Notes et références


[1] Cf. Mon Blog d’Emile: Pour une critique raisonnée du journalisme contemporain, 8 février 2017

[2] Je rappelle que media, pluriel de medium, ne saurait s'écrire médias comme il est pourtant universellement pratiqué dans le monde francophone

[3] J'emprunte ce terme à Brice Couturier, Le monde des idées, émission France culture, 1er octobre 2020

[4] Sur la définition précise de ce mot valise, on pourra se contenter ici de dire qu'il englobe tous ceux qui proposent des solutions simples à des problèmes compliqués; tous membres de la tribu des N'y-a-qu'à ils ne sont que la version moderne des démagogues historiques

[5] Il est temps de renommer ainsi ces véritables destructeurs de société

[6] On se reportera, entre autres, à La Henriade, cette œuvre de jeunesse  dans laquelle Voltaire discute de la place des religions dans la société, la tolérance, composantes de la pensée des Lumières en devenir

[7] Gérald Bronner, La démocratie des crédules, PUF, mars 2013

[8] Exprimée en nombre de bytes ou octets équivalents d'information

[9] En 2016, l'Internet permettait l'accès à quelques 25 milliards de pages différentes, soit plusieurs téraoctets (10 puissance 12 octets): Rich Cochrane, La vie secrète des équations, Dunod, 2016; voir également les quelques 10 puissance 21 octets décomptés par l'Académie des technologies: A&M Mag N°423, janvier 2021

[10] Sébastien Lefol, Tout feu, Tout flamme, émission France Culture, 5 mars 2013

[11] On adoptera ce raccourci pour désigner l'attentat du 11 septembre 2001 contre les tours du World Trade Center

[12] Le "chercheur moyen" ne va généralement pas explorer Internet au-delà de ces 30 premiers sites

[13] Rich Cochrane (ref. 9)

[14] Et donc du droit à s'opposer et se constituer en parti d'opposition dans la philo de la démocratie représentative 

[15] Sébastien Lefol, (ref.10)

[16] Gérald Bronner, dans L'invité des matins, émission France Culture du 5 janvier 2014

[17] Giuliano da Empoli, Les ingénieurs du chaos, Ed.JC.Lattes, (2019)

[18] Qui s'auto définit lui-même comme "le Coluche italien": Les chemins de la philosophie, émission France Culture du 8 mai 2019

[19] Conduits par les Cazaleggio père et fils, propriétaires privés du blog de Pepe Grillo

[20] En grattant un peu, chaque individu trouvera une justification légitime de sa colère envers quelqu'un ou quelque chose…et des études chinoises ont montré que les emoji exprimant la colère sont ceux qui circulent le plus vite sur les réseaux: l'Express N°3627, 11 janvier 2021

[21] On qualifiera par ce singulier un ensemble de codes informatiques plus ou moins complexe constituant le cœur du fonctionnement du réseau

[22] Suis-je clair?

[23] Effet dit "de cascade" qualifié comme tel par les Psy

[24] Ce nombre dit de Robin Dunbar a été estimé dans les études sociologiques de ce chercheur être de 148: WikipédiA, Réseau social, 2021

[25] Sauf, bien sûr, à se connecter à un media traditionnel qui pourrait lui porter ce message; mais comme il a postulé dès le départ que ces media cachent la vérité…

[26] Mécanisme dit du Rabbit Hole: émission La fabrique du mensonge, Fr5, 7 mars 2021

[27] Une note de Facebook publiée par le Wall Street Journal en 2016 révèle que 64% des personnes ayant rejoint des groupes extrémistes l'ont fait sur recommandation de son seul algorithme

[28] Cultures Monde, émission France Culture du 21 janvier 2021

[29] On évoque plus bas la vidéo Hold Up, dont l'émission La fabrique du mensonge a démonté le mécanisme de désinformation (ref.26)

[30] Brice Couturier, Le tour du monde des idées, France Culture, émission du 14 septembre 2020

[31] Cette pizzeria subira fin 2016 l'assaut d'un Edgar M.Welsh, faisant feu de ses armes pour venir délivrer les enfants censés y être séquestrés…

[32] Tristan Mendès-France, QAnon: voyage depuis les USA vers la France, Institut Montaigne, 2017: https://www.institutmontaigne.org/blog/qanon-voyage-depuis-les-etats-unis-vers-la-france

[33] Brice Couturier, Le tour du monde des idées, France Culture, émission du 15 septembre 2020

[34] Dont l'Eglise Adventiste du 7ème jour, qui prophétise une fin du monde imminente…

[35] Jack Z.Bratich, Conspircy Panics, cité par l'Express, 14 janvier 2021

[36] Tristan Mendès-France (ref.32); voir aussi les manifestations à Prades – ancien fief de Jean Castex – d'anti-masques reprenant les thèses de la mouvance QAnon : Le canard enchainé, N°5232, 17 février 2021

[37] Dont l’existence d’un souterrain qui relierait l’Elysée au Medef….

[38] Le Canard enchaîné, N°5234, 3 mars 2021

[39] La fabrique du mensonge, (ref.26)

[40] Christophe d'Enfert, Directeur scientifique de l'Institut, La fabrique du mensonge, (ref.26)

[41] Gérald Bronner, Apocalypse cognitive, PUF (2021)

[42] Rudy Reichstadt, Conspiracy Watch  https://www.conspiracywatch.info/ ; du même auteur: L'opium des imbéciles,  Grasset (2019)

[43] WikipédiA, YouGov, 2021

[44] Syndrome Respiratoire Aigu Sévère, acronyme francophone du SARS Cov1

[45] Bill Gates: La prochaine épidémie? Nous ne sommes pas prêtshttps://www.youtube.com/watch?v=6Af6b_wyiwI

[46] La fabrique du mensonge, (ref.26)

[47] Dont le port du masque, dénoncé comme "symbole de soumission" aux "futurs maitres du monde"…

[48] Ou sa proposition liminaire "il n'y a pas de fumée sans feu"!

[49] Gerald Bronner, (ref.7)

[50] WikipédiA, Controverse sur le rôle de la vaccination dans l'autisme, 2021

[51] Wakefield s'est empressé de quitter l'Angleterre; il "exerce" à présent aux USA où il a rejoint la mouvance Trump…

[52] En France, de 9% de la population en 2000, ils sont à présent presque majoritaires: Etienne Klein & Gérald Bronner, Ce qu'on sait ce qu'on ne sait pas, émission La conversation scientifique, France Culture, 28 octobre 2017

[53] Sebastian Dieguez, Total Bullshit! Aux sources de la post-vérité, PUF (2018)

[54] En année moyenne, 136 milliards de vidéos porno sont visualisées sur le Net…

[55] Gérald Bronner (ref.41) 

[56] Directeur de la chaire Moyen-Orient & Méditerranée à l'Ecole Normale Supérieure

[57] Gilles Kepel, dans L'invité des matins, émission France Culture du 21 octobre 2020; voir aussi du même auteur Sortir du Chaos, les crises en Méditerranée et au Moyen-Orient, ed.Gallimard, (2021)

[58] Une fois pour toutes, refusons le terme djihadiste qui fait la part trop belle à des assassins voulant se parer des plumes de la religion!

[59] Pour reprendre la formule de Goebbels exhortant en 1943 les nazis à la "guerre totale"

[60] Gilles Kepel, (ref.57)

[61] Hakim El Karoui & Benjamin Hodayé, Les militants du djihad, ed.Fayard, 2021; cités dans l'Express, 21 janvier 2021

[62] Lequel dispose de 700 000 followers sur YouTube et 526 000 sur Facebook: Bernard Rougier, Les territoires conquis de l'islamisme, PUF, 2021; cité dans l'Express, 21 janvier 2021

[63] Bernard Rougier, (ref.62)

[64] Graine de Nigelle (ou graine de cumin noir), "censée guérir de toutes les maladies sauf la mort" : https://www.mizane.info/habba-sawda-sur-les-traces-de-la-graine-miraculeuse-de-nigelle/

[65] Bernard Rougier, (ref.62)

[67] Larry Diamond, "Mr.Democracy on the shrinking free world", Time, june 24, 2019

[68] Encore une fois, on voit que le populiste promet toujours une solution simpliste aux problèmes multiformes "des vrais gens"..

[69] Il est significatif que les Jaunes-à-gilet n'aient pas réussi, malgré leur nombre, à se constituer en véritable parti politique capable de proposer des représentants aux différentes élections

[70] Ece Temelkuran, Comment conduire un pays à sa perte, Folio (2019)

[71] Brice Couturier, Le tour du monde des idées, France Culture, émission du 6 octobre 2020

[72] Un homme qu'on ne peut raisonner est un homme qui fait peur (Albert Camus)

[73] Thomas Malher, Comment nous sommes devenus si obsédés par la race, le genre ou les identités, l'Express, 10 septembre 2020

[74] Formule reprise à son compte par Viktor Urban en Hongrie: Brice Couturier (ref.66)

[75] Cf. Chirac interpelant Mitterrand lors de la campagne présidentielle de 1988: "Les yeux dans les yeux, pouvez vous affirmer que vous n'êtes pas en train de mentir?"…

[76] Cf les 22 247 mensonges de Trump recensés par le Washington Post en 4 ans de Présidence; (voir plus bas Snippets )

[77] Ece Temelkuran, (réf.70)

[78] Brice Couturier, (réf. 66)

[79] Brice Couturier, Le tour du monde des idées, France Culture, émission du 4 novembre 2020

[80] Bernard Lecomte, KGB, la véritable histoire des services secrets soviétiques, ed.Perrin, (2020)

[81] Cet écran de fumée à base de chats semble avoir inspiré une populiste hexagonale…

[82] Ece Temelkuran, (réf.70)

[83] Philippe Meyer & Gérald Bronner, Esprit public, émission France Culture du 3 janvier 2014

[84] Serge Haroche (Prix Nobel de physique 2012) & Etienne Klein, La conversation scientifique, émission France Culture du 10 octobre 2020

[85] Les meilleurs scientifiques n'échappent pas à ce travers: cf. Pasteur contre Koch, émission Arte, 20 mars 2021

[86] Laurent Alexandre, dans Répliques, émission France Culture, du 30 janvier 2021

[87] "J'ai cessé de croire au père noël quand je me suis aperçu qu'il portait les chaussures de grand-papa", (ref.52)

[88] Mécanisme du Rabbit hole, La fabrique du mensonge, (ref.26)

[89] Pour vivre heureux, vivons déconnecté. Personnellement, je ne suis membre d'aucun réseau "majeur" et je fais un usage homéopathique de What'sApp ou de YouTube

[90] Aldo Naouri, Eduquer ses enfants. L’urgence d’aujourd’hui, Odile Jacob, 2008

[91] Pour renommer l'Education (sic) Nationale (re-sic) suivant ce qu'elle n'aurait jamais cessé d'être… 

[92] De même, demandez à un(e) ado de vous expliquer le mécanisme des saisons: vous ne serez pas déçu(e) par les réponses!

[93] Et refuser le néologisme "apprenant" qui ne fait qu'ajouter à la confusion!

[94] Etienne Klein & Gérald Bronner, (ref. 52)

[95] "Contre le tribalisme antiscientifique, il faut éduquer, éduquer, éduquer… " : Serge Haroche, (ref.84)

[96] Cf également l'expérience de Galilée montrant que la vitesse de chute d'un corps dans le vide est indépendante de sa masse

[97] Etienne Klein & Gérald Bronner, (ref. 52)

[98] Serge Haroche, dans L’Heure bleue, émission France Culture du 11 février 2021

[99] Hélène Carrère d'Encausse, La France s'incarne d'abord dans sa langue, interview dans l'Express, 23 décembre 2020

[100] Cf. Mon Blog d’Emile: Lettre ouverte à François Lenglet, 23 juin 2016

[101] Cf. le bras de fer engagé par Facebook avec l’Australie au sujet de la juste rémunération des journalistes contribuant au contenu informationnel de ce réseau

[102] Par construction, difficile à mettre en œuvre sauf à paralyser les infrastructures de télécom sous jacentes

[103] Ainsi du réseau Parler – prononcer parleur – qui a accueilli les suiveurs de Trump une fois les comptes de ce dernier supprimés sur Facebook et Twitter.

[104] Pour Internet Protocol address, l’adresse numérique unique de tout matériel se connectant sur Internet

[105] "Twitter ne prend même pas la peine de communiquer les adresses IP", l'avocat Eric Morain, LeFigaro 21 décembre 2020

[106] Le Canard enchainé, 23 décembre 2020 : Miss Rance et Samuel Paty ? pas nos oignons! ; et le 20 janvier 2021 : Mauricette enterrée par un tweet !

[107] Les dirigeants de Facebook et Twitter ont reconnu implicitement cette responsabilité en supprimant les comptes de Trump après l’assaut du 6 janvier contre le Capitole

[108] Section 230 du Communication Decency Act de 1996 : Building a better Internet, Time magazine, February 1st 2021

[109] Voire à les modifier dans un sens plus "éthique": Guillaume Chaslot (ancien ingénieur chez Google et YouTube), interview, l'Express, 14 janvier 2021; voir aussi La fabrique du mensonge, (ref. 26)

[110] A common digital « rule book” to rein in the “unbridled power held by the big Internet giants”: Time magazine, (ref.108)

[111] Sur le modèle par exemple de l’excellent "DESINTOX" quotidien de l’émission 28 minutes sur Arte

[112] Plus ou moins énervé à ce stade de ma rédaction…

[113] En ne retenant ici que le critère proposition de solutions simplistes à des problèmes compliqués, le vote Le Pen était censé résoudre le problème de l'immigration, le Brexit les problèmes rencontrés par UK au sein de l'UE, le vote Trump celui du déclin progressif des USA au sein du concert mondial…

[114] Respectivement, populations électorales française, britannique et américaine

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Snippets


Le best seller littéraire…

…reste à écrire!

Il s'agit du roman des mensonges de Donald-la-trompe dont le Washington Post a fait la compilation durant le mandat de ce triste personnage. Au 27 aout dernier, on en était à 22 247 mensonges, date à laquelle le journal à arrêté le compteur car, au rythme final de plus de 50 mensonges par jour, "l'équipe [chargée de les débusquer] ne pouvait plus suivre"(*)!

Courage toutefois pour celui qui voudra s'atteler à ce monument de la littérature. Sur la base optimiste d'une quinzaine de lignes pour démonter chacun des mensonges proférés, on arrive à un total de quelques 10 000 pages…

Volontaire quelqu'un?

(*) cf. l'Express du 12 novembre 2020

Une radio vach'ment bat' (suite)

Toute à l'euphorie "d'avoir battu RTL (sic)" dans la course à l'audimat, France Inter ne s'interroge pas sur les raisons profondes de ce succès: elle est simplement en train de faire siens les travers des radios périphériques dont RTL continue d'être représentative…

Passons sur l'envahissement de plus en plus prégnant sur France Inter de la pub' laquelle, se départant du caractère institutionnel qui était toléré au départ sur cette chaine, glisse à présent vers le commercial pur et dur. Une autre caractéristique de cette descente dans la banalité, c'est l'aptitude de cette radio à transformer des pépites en plomb. Trois exemples significatifs:

-        jusque dans les années 90, France Inter pouvait se vanter de proposer, avec Rue des entrepreneurs, l'une des meilleures émissions hebdomadaires sur l'Economie; ce qui l'a remplacée sur ce créneau du samedi matin mériterait davantage le titre de Café du commerce pour caractériser l'échange à bâtons rompus auquel se livrent les journaleux-piliers de cette émission

-        toujours sur le créneau du samedi, on écoutait avec La prochaine fois je vous le chanterai, une émission de variétés durant laquelle Philippe Meyer avec sa malice habituelle contribuait à valoriser la chanson française auprès d'un public menacé par l'abysse culturel anglo-saxon; cette émission fut remplacée ex-abrupto par La preuve par Z, une émission de musique classique que la technicité assez ardue destinait davantage à un public habitué de France Culture, voire de France Musique(*)

-        plus récemment enfin, La tête au carré, très bonne émission quotidienne de vulgarisation scientifique, s'est vue remplacée par une douteuse La Terre au carré, où la Science, autrefois abordée dans sa généralité, se voit cantonnée à présent à ce qui tourne autour de l'Ecologie; avec en particulier le défilé à l'antenne des prêtres de la colapsologie, cette nouvelle religion qui a pris le train en marche de l'écolo-populisme(**).

Est-il surprenant que cette dernière émission fasse à présent "standard ouvert", caressant l'illusion, selon le mot de Pierre Bouteiller, de "faire une bonne émission en ouvrant un standard téléphonique"?

(*) cette émission est à présent diffusée le dimanche après midi

(**) Patrick Moore, Vice-président fondateur de Green-pisse, sur les raisons de sa démission de cette dernière (interview dans Newsweek, 1986)

Victimisation, mon beau souci

Au cours d'une émission de la série "Le masque et la plume" tenue dans les années 60, je me souviens du propos de Jean-Louis Bory sur un film consacré à la guerre de 14-18. Et notre Jean-Louis national de déclarer à la face de ses contradicteurs d'un jour "…il serait temps de réaliser que ceux qui sont considérés à présent comme des héros n'ont en fait été que des victimes!"

Force est de constater que, par un retournement sémantique assez curieux, il faut à présent avoir été une victime – et peut importe de quoi – pour être considéré par les media, mais pas seulement, à l'image des héros d'autrefois.

Sylvain Tesson a parfaitement résumé cette nouvelle tendance qui consiste à "être une victime…l'ambition du héros d'aujourd'hui"(*). Pourtant toute victime, ou qui se revendique comme tel, avant de "chercher des coupables à sa propre faillite", ne devrait elle pas s'interroger sur les causes personnelles/intimes qui l'amènent à pratiquer "cette activité si française: récriminer contre son sort"?

(*) Un été avec Homère et, du même auteur, La panthère des neiges, p.161

LGBTQ…

….RSWXYZ? Combien faudra t'il additionner de minorités sexuelles pour arriver à en faire une majorité? A entendre les media et la somme des reportages racoleurs sur ces minorités forcément victimes(*) d'un ostracisme social, on pourrait être tenté de croire que les couples hétérosexuels se retrouvent minoritaires dans notre société contemporaine…

Il faudra tout de même un jour procéder à un recensement de cette dernière population, hétérosexuelle, certes, mais tout à fait contente de l'être – ou pour reprendre la terminologie d'en face, satisfaite de son genre – pour réaliser qu'elle constitue la majorité au sein de l'espèce humaine laquelle, sans son concours essentiel à la procréation, serait tout simplement menacée d'extinction.

(*) voir le Snippet précédent

L'énigme de Greta-les-couettes

A présent quelle a repris le chemin de l'école – trahissant au passage son idéal premier: sécher les cours(*) – et qu'on entend beaucoup moins parler d'elle, une question demeure la concernant: comment avec la pauvreté de son discours autiste et l'inanité de ses propositions pour "sauver la planète" a-t-elle pu fasciner un moment cette dernière au point de se voir accorder l'attention de personnalités aussi remarquables que Christine Lagarde ou le pape François?

Mais en ces temps de glorification de la victimisation, n'est ce pas son discours de victime autoproclamée du dérèglement climatique qui a pu la propulser au Panthéon des héros modernes?

(*) voir le Snippet "je sèche donc je suis" de septembre 2019

Pôvres footeux

Il parait que les fédérations des professionnels de la baballe au pied, n'arrivant plus à boucler leurs fins de mois, envisagent de baisser le salaire de leurs affiliés. Les pauvres! Avec un salaire médian de 34 000 euros(*) voila une catégorie socioprofessionnelle bien à plaindre par ces temps de crise sanitaire et économique…

Au même moment, la France doit faire face, entre autre, à une pénurie de personnels de santé et doit assumer sa place de dernière au palmarès OCDE sur l'enseignement des mathématiques. Mais le niveau de rémunération des personnels concernés n'a évidemment aucun rapport avec la situation désastreuse de l'une et l'autre de ces activités!

(*) les journaux, semaine du 11 janvier

Le ridicule ne tue plus (suite)

Dernier écorche-oreille fabriqué par les partisans à tout va de la féminisation du vocabulaire: autrice pour désigner une personne que l'on aurait pu tout aussi bien appeler auteuse, en calquant ce qui était admis de longue date pour le mot chanteur…il est vrai que ce dernier mot, même affublé d'un 'e' surnuméraire ne pouvait alors se démarquer à l'oral de son alter ego masculin…

Mais à tout prendre, si l'on tient vraiment à marquer du fer rouge la féminisation forcenée de la langue française, le mot autrice ne manque t'il pas d'audace? N'aurait il pas mieux valu forger ce féminin sur le modèle de la déclinaison cantor, cantatrice? Je propose donc d'adopter le terme autatrice pour revendiquer une féminisation qui ait de la gueule!

NB: on nous rapporte(*) qu'Hélène Carrère d'Encausse – et jusqu'à preuve du contraire, une référence pour la pratique correcte de la langue française – tient à se faire reconnaître comme LE Secrétaire Permanent de l'Académie française. Diable! Ne conviendrait il pas de la condamner au bucher pour crime de lèse féminisme?

(*) interview dans l'Express du 23 décembre 2020

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